Handicap, maladie grave, accident de la vie, grand âge, etc…
La question de la perte d’autonomie résulte de situations tantôt prévisibles, tantôt spontanées mais toujours particulièrement difficile à vivre pour la personne concernée et son entourage. Au-delà des difficultés personnelles et familiales qu’elles suscitent, elles peuvent également avoir des conséquences parfois dramatiques sur le plan juridique. En ce sens, comme souvent, il est nécessaire d’organiser sa future perte d’autonomie, afin de ne pas subir ces événements et protéger son patrimoine. Par ce fait, on garde également son énergie pour se consacrer à l’accompagnement humain de la personne, en gardant à l’esprit que les rapports juridiques sont sécurisés, au moins pour un temps.
La construction juridique relative à la protection des personne
s vulnérables se montre à la fois complexe et élaborée. Elle offre cependant un panel de mesures adaptées à l’avancement ainsi qu’au degré de la perte d’autonomie. En effet, ces mesures peuvent notamment prévoir une protection quant aux actes réalisés, sans pour autant aller mettre en place une représentation de la personne. Mais à mesure que l’incapacité juridique augmente, du fait d’une vulnérabilité accrue de l’individu, la protection va également croître allant cette fois-ci jusqu’à l’assistance ou la représentation juridique.
Avant tout propos, il faut préciser qu’on entend par représentation juridique l’action visant à accomplir un acte ou pour le compte d’une personne. L’amplitude des éléments concernés par cette représentation est extrêmement éten
due : rédaction de contrat, dépense de la vie courante, action en justice, etc… Ces dispositifs peuvent donc s’avérer particulièrement contraignants, ce qui justifie donc une certaine rigueur dans leur mise en place. Surtout qu’il faut savoir également que ces mesures ne se bornent pas à organiser une représentation, en outre, bon nombre de situation implique seulement une consultation de la personne désignée pour la protection.
Dans un premier temps nous évoquerons brièvement les conditions d’ouverture d’une mesure de protection (A) avant d’envisager dans un deuxième temps les mesures d’urgence ou d’anticipation (B) et enfin dans un dernier temps les mesures entrainant ou assistance ou représentation de la personne (C).
A. Les conditions d’ouvertures d’une mesure de protection juridique
En premier lieu, il faut bien garder en tête que la protection est un devoir des familles et de la collectivité publique. En effet, au regard de l’article 415 du code civil, elle se doit d’être soucieuse du respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. Son ambition principale est de favoriser autant que possible l’autonomie de la personne en état de vulnérabilité et par conséquent de protéger ses intérêts. Le Droit prévoit trois conditions cumulatives à la mise en place d’une mesure de protection :
Principe de nécessité : la mesure doit être absolument nécessaire. Ce qui signifie qu’elle doit être justifiée médicalement par l’altération des faculté
s mentales et/ou physiques (art. 425 al. 1er Code civil) de la personne. Elle nécessite donc l’établissement d’un certificat médical par un médecin présent sur une liste établie par le procureur de la République (art. 431 Code civil).
Principe de subsidiarité : la mesure ne peut être prononcée qu’en dernier recours (principe de subsidiarité), c’est-à-dire dès lors que l’on ne peut plus protéger la personne autrement (art. 428 Code civil).
Principe de proportionnalité : la mesure doit être strictement adaptée au besoin du majeur et donc ne pas aller au-delà de ce qui serait nécessaire à la personne.
Principe de temporalité : la mesure est nécessairement limitée dans le temps. Ce qui ne veut pas dire que la mesure prendra forcément fin à un moment donné. Bien sûr il arrive que le besoin soit perpétuel, pour autant, ce principe implique une réévaluation de la mesure, notamment de son ampleur.
Par ailleurs, la mesure est nécessairement prononcée et donc mise en place par un juge. En conséquence, le placement sous protection d’une personne ne se présume pas et ne peut être fait en autonomie. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’est pas envisageable d’anticiper un état de vulnérabilité.
B.Les mesures d’urgence ou d’anticipation
Tout d’abord, il arrive fréquemment que la nécessité de la protection ne soit que ponctuelle ou qu’elle ne concerne que des actes déterminés. Plus encore, elle peut être justifiée par un événement qui entraine une incapacité temporaire. En conséquence certaines mesures dites transitoires peuvent être envisagée
s pour pallier à l’urgence. C’est notamment le cas de la sauvegarde de justice.
Par suite, certaines mesures peuvent être organisées en amont par la personne ou les familles elles-mêmes. L’objectif étant ici de ne pas être pris au dépourvu en cas de déclin rapide ou de la survenue d’un accident soudain. En ce sens, l’aménagement préparé d’une mesure, même légère, offre ici une sécurité évidente pour la personne elle-même mais aussi pour les familles. On pensera ici une à l’habilita
tion familiale et au mandat de protection future. A travers ce tableau synthétique, nous vous proposons une vision sur l’ensemble des caractéristiques essentielles de ces différentes mesures :
| Sauvegarde de justice | Mandat de protection | Habilitation familiale |
Définition | Mesure de protection ponctuelle de courte durée permettant à une personne majeure d’être représentée pour réaliser certains actes de la vie courante. | Contrat de mandat par lequel une personne va en désigner une autre par avance pour le représenter dans le cas où elle ne pourrait plus répondre seule à ses intérêts. | Mesure permettant à un proche de représenter ou d’assister une personne pour défendre ses intérêts dès lors que celle-ci ne peut plus exprimer sa volonté |
Personne concernée | Majeur souffrant d’un déclin lié à l’âge, rencontrant des difficultés liées à une maladie (physique ou psychologie) ou n’étant plus en capacité d’exprimer sa volonté. | Toute personne majeure ou émancipée hors mesure de tutelle ou d’habilitation familiale. La personne sous curatelle peut le faire avec l’assistance de son curateur. | Mesure permettant à un proche de représenter ou d’assister une personne pour défendre ses intérêts dès lors que celle-ci ne peut plus exprimer sa volonté au quotidien. |
Type de mesure | Médicale Judiciaire | Contractuel | Judiciaire |
Conditions de mise en place | Médicale : déclaration du médecin faite au procureur de la république.
Judiciaire : demandée par le majeur, son compagnon, un parent, une personne entretenant des liens étroits et stables avec lui, personne exerçant une autre mesure de protection juridique, le procureur de la république ou un tiers. La nécessité de la mesure doit être médicalement constatée, la preuve étant rapportée par un certificat médical circonstancié. | Lorsque le mandataire désigné observe que l’état de santé du mandant n’est plus adapté à la défense de ses intérêts, il le fait constater par un médecin désigné par le procureur de la République qui délivrera un certificat médical. Le mandataire se présentera alors au greffe du tribunal muni de ce certificat avec le mandat de protection future, sa carte d’identité et celle du mandant ainsi qu’un justificatif de domicile de celui-ci. | Établissement d’un certificat médical. Demande à adresser au juge des contentieux de la protection. |
Désignation d’un mandataire | Désignation par un juge pour certains types d’acte. Choisi en priorité parmi les proches, à défaut un professionnel inscrit sur une liste départementale. | Le mandataire peut être une personne physique choisie par la personne ou à défaut une personne morale présente sur une liste départementale. | Parents et ascendants Enfants et descendants Frère, sœur Époux Partenaire de pacs Concubin |
Effets de la mesure | La personne peut accomplir tous les actes de la vie civile à l’exception de ceux confiés au mandataire spécial nommé. Ce dernier peut contester des actes passés pendant la mesure. | Le mandat peut porter sur l’assistance dans la vie personnelle du mandant ainsi que dans la gestion de son patrimoine. | Habilitation générale : accordée par le juge, et permet à la personne désignée d’agir au nom de la personne protégée.
Habilitation limitée à un ou plusieurs actes : actes d’administration, de disposition |
Durée de la mesure | 1 an renouvelable une fois. | | 10 ans maximum pour une première demande. 20 ans maximum pour un renouvellement. |
Fin de la mesure | Fin de la durée prévue
Levée de la mesure par le juge lorsque les actes nécessaires ont été effectué ou quand le majeur retrouve ses facultés.
Ouverture d’une curatelle ou d’une tutelle. | Amélioration de l’état de santé
Transition vers une curatelle ou une tutelle
Décès du mandant
Décès du mandataire Retrait des missions du mandataire par le juge. | Expiration du délai
Décès de la personne protégée
Placement de la personne sous sauvegarde, curatelle ou tutelle
Après avoir réalisé les actes pour lesquels l’habilitation a été mise en place. |
C.Les mesures classiques d’assistance et de représentation de la personne
En revanche, lorsque l’état de santé s’est considérablement dégradé et que l’état de vulnérabilité qui en découle s’est accru, il devient nécessaire de procéder à la mise en place d’une mesure de protection. Plus coercitive, la personne sera cette fois-ci représentée, elle ne pourra donc plus remplir certains actes seule. Plus la mesure est importante, plus les prérogatives du mandataire seront développées. On pense ici à la curatelle et à la tutelle dont les principales caractéristiques vous sont présentées dans le tableau suivant :
| Curatelle | Tutelle |
Définition | Mesure judiciaire visant à protéger un majeur et son patrimoine. Elle vise à accompagner la personne pour les actes importants tout en lui laissant une certaine autonomie pour les actes simples ou strictement personnels. On distingue 3 types de curatelle : curatelle simple, renforcée et aménagée. | Mesure judiciaire visant à protéger un majeur et son patrimoine. La personne est représentée dans les actes de la vie courante. |
Personne concernée | Personne majeure devant être accompagnée ou conseillée pour les actes importants, notamment liés à son patrimoine. | Personne majeure devant être représentée de façon continue dans les actes de la vie courante. |
Type de mesure | Judiciaire | Judiciaire |
Conditions de mise en place | Demande au juge effectuée par le majeur, la personne vivant en couple avec lui, un parent, un proche, une personne exerçant déjà une mesure, le procureur de la république ou un tiers. La nécessité de la mesure doit être médicalement constatée, la preuve étant rapportée par un certificat médical circonstancié. | Demande au juge effectuée par le majeur, la personne vivant en couple avec lui, un parent, un proche, une personne exerçant déjà une mesure ou le procureur de la république. La nécessité de la mesure doit être médicalement constatée, la preuve étant rapportée par un certificat médical circonstancié. |
Désignation d’un mandataire | Désignation par le juge, priorité au proche, à défaut un mandataire judiciaire à la protection des majeurs.
Possibilité de distinguer la curatelle à la personne (ex : mariage, PACS, etc…) et la curatelle aux biens (gestion du patrimoine).
Possibilité pour le juge de désigner un subrogé curateur surveillant les actes passés par le tuteur.
De manière ponctuelle, possibilité de désigner un curateur ad hoc. | Désignation par le juge, priorité au proche, à défaut un mandataire judiciaire à la protection des majeurs.
Possibilité de distinguer la tutelle à la personne (ex : mariage, PACS, etc…- et la tutelle aux biens (gestion du patrimoine).
Possibilité pour le juge de désigner un subrogé tuteur surveillant les actes passés par le tuteur.
De manière ponctuelle, possibilité de désigner un tuteur ad hoc. |
Effets de la mesure | Pour les actes de disposition (ex : vente, testament, etc …) : la personne doit être assistée par le curateur.
Pour les actes d’administration (vie courante) : la personne peut les faire seule.
Pour les actes strictement personnels (mariage, reconnaissance d’un enfant, etc…) : peut les faire seule, mais doit informer le curateur.
Mention sur l’acte de naissance. | Pour les actes de dispositions et d’administration : autorisés par le juge, effectués par le tuteur.
Pour les actes strictement personnels : la personne peut les faire seule.
MAIS (cas particuliers) :
Logement principal : toute décision à ce sujet doit être autorisée par le juge. Testament : seule avec autorisation du juge. Donations : assistée ou représentée par le tuteur avec autorisation du juge. Vote : seule mais sous conditions. Mariage/PACS : seule avec information préalable du tuteur. Renouvellement carte d’identité : seule avec information préalable du tuteur. |
Durée de la mesure | 5 ans maximum renouvelable pour 5 ans. En cas d’altération irrémédiable (sur avis conforme du médecin expert), durée étendue à 20 ans. | 5 ans maximum. En cas d’altération irrémédiable (sur avis conforme du médecin expert), durée étendue à 10 ans. Dans ce cas, renouvellement limitée à 20 ans. |
Fin de la mesure | A la fin du délai.
Lorsque le juge décide qu’elle n’est plus nécessaire après avis médical.
Transition vers la tutelle.
Décès | A la fin du délai.
Lorsque le juge décide qu’elle n’est plus nécessaire après avis médical.
Transition vers la curatelle.
Décès |
En conclusion, nous vous conseillons vivement de vous organiser et autant que faire se peut aménager en amont l’éventualité d’une mesure de protection. En effet, si le sujet peut paraitre épineux et difficile à aborder, il le deviendra encore davantage lorsque l’état de vulnérabilité de la personne fera son apparition. Plus encore, cette anticipation permettra tout à la fois d’offrir une certaine sérénité au cours d’une période complexe et de se montrer davantage soucieux de la volonté de la personne vulnérable.
Cet article vous a été présenté par Mickaël KRKAC, notre élève avocat !
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