En matière de location immobilière, les possibilités de donner congé à son locataire existent, mais elles sont strictement encadrées. Et le non-respect des conditions établies peut être source de sanctions, ce qui doit bien sûr appeler à la plus grande vigilance, tant du point de vue du bailleur que du locataire. Pour le premier afin de s’assurer de la régularité de son projet, pour le second afin de faire valoir ses droits.
Plus encore, le régime du bail d’habitation est encadré par la loi du 6 juillet 1989 (1) plusieurs fois mise à jour depuis lors (2) Ainsi, celui-ci se veut particulièrement protecteur pour le locataire, en témoigne la durée de préavis. En effet, le bailleur ne peut en règle générale donner congé qu’à date de l’expiration du bail, avec un préavis de six mois (3).
Par suite, le bailleur est obligé de joindre à son congé une « notice d'information relative aux obligations du bailleur et aux voies de recours et d'indemnisation du locataire ».
Cela étant, il ne manque pourtant pas de prévoir des hypothèses particulières où un propriétaire se trouve dès lors en mesure de récupérer son bien.
En outre, au-delà des délais et formalismes à respecter, la législation distingue trois motifs précis : le congé pour reprise, le congé pour vendre et le congé pour motifs légitimes et sérieux (4).
I. Congé pour reprise
La première hypothèse concerne la reprise pure et simple du logement pour y vivre. En effet, il est possible pour un bailleur de ne plus vouloir destiner son bien à la location. Toutefois, cette prérogative se trouve être rigoureusement encadré. Le bailleur, par exemple, ne peut récupérer le logement pour y fixer sa résidence secondaire. Il doit s’agir de la résidence principale.
Plus encore, il lui est indispensable de justifier le caractère réel et sérieux de sa reprise dans le contenu du congé, et ceci de manière explicite, sous peine de nullité de l’acte.
Par suite, seuls peuvent être bénéficiaires de la reprise le bailleur lui-même ou « son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire ».
II. Congé pour vendre
La deuxième hypothèse concerne la reprise pour vendre son logement. Mais là-encore, elle fait l’objet d’un lourd encadrement. En premier lieu, il faut savoir que le congé pour vendre fait office d’offre de vente (5) comprenant une description et le prix du bien, à l’attention du locataire (6) On parle aussi de droit de préemption (7) Celui-ci dispose en effet de deux mois pour l’acquérir s’il le souhaite (8).
Ce cas de figure prévoit des particularismes quant à la délivrance du congé, notamment lorsque le bien est occupé. En effet, lorsque le terme du contrat de location en cours intervient plus de trois ans après la date d’achat, le bailleur peut délivrer son congé au locataire pour vendre le logement au terme du contrat de location en cours.
En revanche, lorsque le terme intervient moins de trois ans après l’acquisition, le congé ne sera alors admis qu’au terme de la première reconduction tacite ou du premier renouvellement du contrat. Enfin, si le terme du contrat en cours intervient moins de deux ans après l'acquisition, le congé pour reprise donné par le bailleur ne prend effet qu'à l'expiration d'une durée de deux ans à compter de la date d'acquisition.
III. Congé pour motifs légitimes et sérieux
La dernière hypothèse concerne la reprise pour motifs légitimes et sérieux. Si la loi ne définit pas précisément ce qu’elle entend par ces termes, il faut comprendre que ce congé permet en réalité de résoudre certaines situations complexes, comme un mauvais comportement du locataire, ou encore pour des raisons propres au logement lui-même.
Ainsi, la jurisprudence permet d’éclairer sur ces points. Il est donc évident que le défaut de paiement des loyers constitue un motif légitime et sérieux justifiant de donner congé au locataire (9), y compris lorsque celui-ci fait l’objet d’une procédure de surendettement (10). D’autres motifs peuvent être recensé, comme l’opposition à la réalisation de travaux, le défaut d’entretien du logement (11), le défaut d’assurance, l’absence de jouissance paisible du bien (12), ou encore la sous-location du bien alors même que le bail prévoyait une stricte interdiction (13).
Mais, comme indiqué précédemment, cette hypothèse ne vient pas seulement sanctionner le mauvais comportement du locataire. En effet, il reste également possible sous conditions de changer la destination du bien ou encore de procéder à sa rénovation. A charge pour le bailleur de ne pas utiliser ces projets comme prétexte pour délivrer congé, ce qui constituerait une fraude justifiant une sanction pénale et une indemnisation du locataire.
IV. Locataires protégés
Au-delà de la seule protection offerte par l’encadrement des possibilités de donner congé, la législation a peu à peu pris en compte la précarité de certaines catégories de population. Ainsi, le bailleur ne peut s’opposer au renouvellement du bail en donnant congé à l’égard de toute personne de plus de 65 ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à un plafond de ressources sans lui offrir une solution de relogement (14).
Ceci valant également lorsque le logement est occupé par un locataire ayant à sa charge une personne de plus de 65 ans dans la même situation de précarité économique. En revanche, elle ne trouve pas à s’appliquer si le bailleur a lui-même cet âge ou dont ses revenus sont inférieurs au plafond précédemment évoqué. Il faut également retenir que la condition d’âge est évaluée à la date d’échéance du bail, tandis que la condition de revenus s’apprécie à la date de délivrance du congé.
Enfin, depuis 2023 (15) cette protection s’étend également au bénéficiaire de l’allocation journalière de présence parentale (16). Il faut d’ailleurs retenir que cette protection est particulièrement importante dans la mesure où elle concerne tout type de congé, sans exception.
V. Sanction du congé frauduleux
L’annonce du motif de reprise du bien est loin d’être anecdotique et l’hypothèse d’un congé frauduleux est source de sanction. Tout d’abord, il faut rappeler que le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif, à peine de nullité. D’une manière générale, l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 est très claire et énonce que « le juge peut, même d'office, vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues au présent article. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n'apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes ».
Plus encore, la jurisprudence a pu décider de sanctionner certains comportements témoignant de la mauvaise foi des bailleurs. A ce titre, elle a considéré, s’agissant du congé pour vendre, que l’offre de vente à un prix volontairement dissuasif constituait une fraude de nature à justifier l’annulation dudit congé (17). Elle a également choisi de sanctionner un congé pour vendre d’un logement indécent pour lequel le bailleur était frappé d’une obligation de le mettre en conformité sous 18 mois (18).
Enfin, apport de la loi ALUR, la délivrance d’un congé frauduleux pour vendre ou reprendre le logement se trouve être lourdement sanctionnée. Ainsi, le bailleur dans cette situation s’expose à une amende pénale d’un montant de 6.000 euros (19), et le locataire victime peut se constituer partie civile pour obtenir réparation de son préjudice.
1.Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
2.Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR .
3.Contre 3 mois pour un logement meublé.
4.Article 15 de la Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989
5.Cette obligation est particulière exigeante pour le bailleur puisque si après le refus d’acquérir formulé par le locataire il décide de vendre à des conditions plus avantageuses, il doit alors de nouveau en informer ce dernier. A défaut, le notaire doit s’y résoudre lui-même.
6.Attention toutefois, cette obligation ne s’applique pas « aux actes intervenant entre parents jusqu'au troisième degré inclus, sous la condition que l'acquéreur occupe le logement pendant une durée qui ne peut être inférieure à deux ans à compter de l'expiration du délai de préavis ».
7.A titre informatif, ce droit de préemption n’existe pas s’agissant d’un logement meublé.
8.S’il décide de l’acquérir, le locataire doit réaliser la vente dans les deux mois, délai porté à quatre mois s’il indique solliciter un prêt bancaire.
9.Cour d’appel de Paris, 21 décembre 1984 ; Cour d’appel de Toulouse, 14 juin 2021, n°20/02954.
10.Cour d’appel de Versailles, 22 juin 2010.
11.Cour d’appel de Grenoble, 5 mars 2013.
12.Pour un exemple à propos de l’agressivité du locataire à l’égard du voisinage : Cour de cassation, 3ème chambre civile, 2 octobre 2002, n°01-00.589.
13.Cour d’appel de Paris, 22 mars 1984.
14.Dans des conditions définies par la loi n°48-1360 du 1er septembre 1948. A ce titre, l’article 13 bis prévoit que ce relogement doit se situer « Dans le même arrondissement ou les arrondissements limitrophes ou les communes limitrophes de l'arrondissement où se trouve le local, objet de la reprise, si celui-ci est situé dans une commune divisée en arrondissements ; Dans le même canton ou dans les cantons limitrophes de ce canton inclus dans la même commune ou dans les communes limitrophes de ce canton si la commune est divisée en cantons ; Dans les autres cas sur le territoire de la même commune ou d'une commune limitrophe, sans pouvoir être éloigné de plus de 5 km ».
15.Loi n° 2023-622 du 19 juillet 2023 visant à renforcer la protection des familles d'enfants atteints d'une maladie ou d'un handicap ou victimes d'un accident d'une particulière gravité.
16.Prévue par l’article L. 544-1 du Code de la sécurité sociale.
17.Cour de cassation, 3ème chambre civile, 5 juillet 1995, voir également : Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 11e chambre, sect. B, 22 octobre 2015, n° 14/15015.
18.Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 6 avril 2023, n°21/13504.
19.Montant de l’amende s’appliquant à une personne physique, il passe à 30.000 euros pour une personne morale.
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